Mois du ramadan : faut-il le jeûner ou le fêter ?
Que brûlent les péchés ! Le mot ramadan signifie étymologiquement « brûler », parce que ce mois est l’occasion pour les musulmans de se faire pardonner les péchés qu’ils ont commis. Pilier de l’islam, les musulmans se privent de manger, de boire et de toute activité sexuelle du lever au coucher du soleil. C’est une période de recueillement, de compassion envers les personnes les plus pauvres. L’asthénie et la faim éprouvées durant la journée sont compensées par la nutrition de l’âme faite par le truchement d’actes d’adoration (prières et invocations). Les excès sont donc à mettre de côté.
Mais paradoxalement, le ramadan est l’occasion pour beaucoup d’une prise de poids notoire, d’une augmentation des heures de sommeil et de la multiplication de festivités nocturnes. Pour certains, l’esprit du ramadan est présent dans l’introspection et le recueillement. Heureux sont les jeûneurs à l’annonce du début de la période de miséricorde. Ils peuvent maintenant purifier leurs corps mais surtout leurs âmes heurtées par les futilités de ce bas monde. Solidarité avec les plus démunis, prières nocturnes en groupe, discours religieux sur la visée de la sainte période. Pas d’écarts durant un mois, restriction de la consommation et de tous les délices, conformément à l’esprit du ramadan, parfois même de la part des moins pratiquants. C’est un mois où les « hassanates » (récompenses) sont gracieusement multipliées, les gens concourent dans l’accomplissement de bonnes ‘uvres le plus souvent en portant assistance aux nécessiteux. A l’heure où certains prient la nuit d’autres se retrouvent ailleurs le soir comme pour relâcher une certaine pression.
On ne jeûne plus le ramadan on le fête.
Aujourd’hui, surtout dans les médias, on ne jeûne plus le mois du ramadan mais on le « fête ». Il y a là un glissement de la dimension spirituelle du ramadan à une dimension plus festive, plus médiatique. Avant le début de la période obligatoire de jeûne, les familles font leurs courses dans les différents marchés à la recherche des ingrédients utiles à la préparation des plats du pays, bien gras en général. Certaines familles comme au Maroc, par exemple, ont même recours au crédit à la consommation auprès de leur banque. Dans les pays musulmans les emplois du temps sont aménagés en fonction de l’évènement. Des programmes animant les « Nuits du ramadan » sont établis aussi bien en France qu’au Maghreb. C’est l’instant des sitcoms, pièces de théâtre, des émissions télés humoristiques et culinaires. Le ramadan est parfois observé à contre c’ur, juste pour faire comme tout le monde, comme en témoigne certaines expressions répétées durant la journée, « On tue le temps », « On passe le temps », « A quelle heure est-ce qu’on mange ce soir ‘ ». Il est aussi suivi par habitude, par tradition. Le soir on sort, on « décompresse ». Réunion autour d’un narguilé dans les cafés-chichas qui parfois ferment exceptionnellement beaucoup plus tard qu’à la normale. Les restaurants « hallal » accroissent leur chiffre d’affaires en raison de la grande affluence de clients venus rompre leur jeûne. Au Maghreb, une partie des jeunes profitent de l’occasion pour sortir s’amuser toute la nuit.
Il est possible de mettre en exergue un glissement opéré entre l’esprit originel du ramadan et la manière dont il est vécu aujourd’hui par un grand nombre de musulmans. Il y a plusieurs façons de répondre au jeûne obligatoire, soit en recherchant le gain spirituel, soit en se limitant à l’abstinence des repas et rapports sexuels en pleine journée. Finalement chacun le vit à sa façon, pourvue que le mois sacré ne soit pas transgressé. Une dichotomie est toutefois à distinguer, celle entre religion musulmane et culture musulmane. L’appréhension du ramadan dans son aspect spirituelle s’oppose sous un certain angle à l’approche uniquement culturelle. Ceci le ramadan est fini depuis ce mercredi soir, alors bonne “Aïd mabrouk” à tous…